Les artisans de Dijon à la conquête du Nouveau-Monde de Béatrix Delarue (Infos roman Quand le vent soulève les coiffes)
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Au début du 12ème siècle, la ville de Dijon se compose de différents bourgs :
– Le castrum, le long du mur occidental de ce castrum
– Le bourg Saint-Bénigne ou Cloître au sud de l’abbaye Saint-Bénigne
– Au sud du castrum, la Vicomté ou l’église Saint-Pierre (détruite à la Révolution)
– Le bourg du Vieux Marché, avec l’église Saint-Michel
– Le bourg du Marché Neuf autour de Notre-Dame, simple chapelle
– Le bourg Saint-Nicolas.
Le 28 juin 1137, un incendie dévaste tout, la plupart des maisons sont en bois. On sait que les églises Saint-Bénigne et Saint-Etienne sont gravement endommagées. Profitant de ce fléau, le duc Eudes II entreprend la construction d’une enceinte englobant la quasi totalité de la cité.
L’évêque de Langres intervient au nom des abbayes dijonnaises qui se trouvent maintenant comprises dans la nouvelle enceinte qui assure l'unité de la ville et sa prospérité jusqu'à la guerre de cent ans.
La ville est également un carrefour avec ses nombreuses auberges, moulins, des tanneries, fabricants de drap et de toile mais l’activité reste en grande partie rurale. Les vignerons cultivent les vignes des pentes de Montchapet, des Marcs d’Or et des Poussots ; les pressoirs sont nombreux. Les noms des rues des Forges, Chaudronnerie, Verrerie ou Vannerie rappellent les artisans qui travaillent dans leurs boutiques. Chaque matin, ils ouvrent leurs volets de bois, et rabattent vers l’extérieur une planche sur laquelle ils étalent leurs marchandises.
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La Maison Millière, à Dijon, en est un bel exemple. En 1483, le marchand drapier Guillaume Millière et son épouse Guillemette Durand font construire la maison Millière. Les passants s’y accoudent à loisir et peuvent ainsi examiner au plein jour les articles proposés. On entend de la rue le soufflet et le marteau du forgeron, la scie du charpentier, les discussions des habitués du quartier chez le barbier, et dominant tout cela, les cris des marchands de vins et des taverniers. C'est au son des cloches chaque matin que les échoppes ouvrent et se referment. Il est formellement interdit de travailler à une lumière autre que celle du jour : on risquerait de mal besogner faute de clarté, ou de provoquer un incendie. La dernière cloche du soir annonce la levée du pont-levis aux entrées de la ville, les portes de bois se referment, on abaisse les herses. La ville sombre dans l’obscurité et le silence. C’est de son clocher qu’un guetteur veille constamment, la nuit pour prévenir des incendies, le jour pour signaler l’approche de troupes suspectes.
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C'est ainsi que la rue des Forges fut le centre d'une activité commerciale très importante. Presque toutes les échoppes puis les maisons furent créés pour le négoce et plus ou moins décorées par leurs possesseurs suivant leurs goûts et leur fortune acquise.
Dès le milieu du XIIème siècle, à l’époque où Dijon fut dotée d’une administration municipale, le développement de son commerce avait exigé l’établissement d’une maison de change. Le rôle du changeur est de donner moyennant paiement, à celui qui arrive de l’extérieur de la ville, la monnaie utilisée dans la ville, qui n’est pas la même partout, puisque chaque grande cité commerçante (ou chaque grand seigneur) a le droit de frapper sa propre monnaie. Les changeurs travaillent surtout les jours de marché. On peut les voir dans leurs boutiques se pencher sur de minuscules balances très précises, derrière un établi de bois sur lequel s’empilent des tas de pièces variées. L’un d'entre eux, Guillaume Aubriot détenait cet office au XIIIème siècle. C’est lui qui fit vraisemblablement construire, au-dessus des Voûtes du Change, la belle façade aujourd’hui restaurée. C’est dans cette maison que naquit son petit-fils Hugues, vers 1320. Il fut le prévôt de Charles V.
Depuis le XVIIème siècle, les gouverneurs de la Bourgogne sont presque tous issus de l’illustre famille des Condé, ils sont assistés par différents intendants.
– Louis II de Condé de 1686 à 1710
– Louis-Henri de Bourbon de 1710 à 1740
– Louis-Joseph de 1740 à 1789
La Nouvelle-France se développe et avec, les perspectives de s'enrichir et de quitter impôts, taxes, pauvreté, guerres diverses et nombreuses épidémies. Les recruteurs du Roy Louis XIV arpente le royaume... Il s sont partout chez les hôteliers, aubergistes, notaires, geôlier, huissiers, marchands forains et colporteurs. Ces intermédiaires de toutes sortes conduisent vers les bureaux de la colonisation les aventuriers qui veulent tenter leur chance.
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Dijon, jour de marché, Jules Talmot ( Musée de la vie Bourguignonne)
Dans la colonie d'Amérique, les Compagnies de commerce, de marchands associés du roi ou entre eux prennent la direction du recrutement. Les commerçants installés sur place ont besoin d'hommes pour défricher, construire des débarcadères, dresser des palissades Les recruteurs vont au devant des artisans dont les uns désirent partir mais dont certains n'ont aucun moyen d'existence. Moyennant un pécule de 70 livres en moyenne et par an, une terre à exploiter, certains s'engagent à l'aide d'un contrat, différent selon l'engagement d'un matelot, d'un soldat, ou métayer. Il existait aussi des contrats de pêche et d'hivernage.
Le bouche à oreille passe aussi par les marchés, auberges, notaires où l'on sait que l'on sera bien traité chez tel personne ou mal nourrie chez telle autre ( Revue d'histoire de L'Amérique française). Après 1665, les Jésuites apparaissent comme de très importants recruteurs. Ils ont de nombreuses fermes. Leur séminaires et missions ont besoin de beaucoup de main-d'œuvre : ils font ramener par les Pères qui s'embarquent en Nouvelle-France des laboureurs à bœufs, des fariniers, des meuniers, des domestiques et journaliers. Il existe aussi des contrats pour les familles dont certaines partaient accompagnées de leurs enfants. Mais en même temps que les hommes de la mer et de la terre, s'enrôlera une gamme très variée d'artisans: jardiniers, bonnetiers, commis, vitriers, charretiers,
cuisiniers, chirurgiens, etc
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Dès 1636, une douzaine de laboureurs et fendeurs de bois dijonnais sont engagés pour le Port de la Hève en Acadie, à la demande de Claude de Rasilly. Ils s'embarquent à La Rochelle sur le Saint-Jehan le 1er avril 1636, portant 78 passagers et 18 hommes d'équipage, sous les ordres du capitaine Pierre Saunic.
Le voilier appartient à l'illustre armateur Nicolas Denys ( 1603-1688) représentant de la Compagnie de la Nouvelle-France. Désigné par Louis XIII «gouverneur et lieutenant général sur l'étendue de la grande baye du Saint Laurent», «il était surnommé Grande-Barbe par les Indiens Micmacs, dont il parlait la langue». Son nom est encore aujourd'hui connu au Québec. «Lors d'un voyage sur les terres de mon aïeul, le chef micmac en personne m'a reçu en habit d'apparat», se souvient l'ancien militaire. Nicolas Denys ( Julien Bordier article de L'express, 26/03/2008 )
Ils sont les premiers à défricher le sol acadien : Nicolas Bayolle, Hilaire Bicau, Jehan Hyechtier, Jean Guiot, Simon Merlin, Georges Migot, Jehan Périgaud. Quelques années plus tard, la grande recrue de La Flèche, en 1653, éveille l'intérêt d'un autre Dijonnais, René Bondy, compagnon charpentier. Il s'engage à servir pour cinq ans, mais on perd sa trace en 1655.
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En 1662, Barthélémy Verreau dit le Bourguignon, taillandier ( est un métier traditionnel consistant à fabriquer des outils tranchants – on parlait jadis du « taillant » d'un outil– tels que ciseaux, cisailles, haches pour les artisans, serpes pour les vignerons. Ce métier s'exerce dans une taillanderie, qui exploitait souvent des moulins à eaux)
Originaire de la paroisse Saint-Jean de Dijon, dite « parvis Saint-Jean » qui servait au Moyen-âge de représentations et de spectacles.
Lorsque Saint Urbain le sixième évêque de Langres décide de choisir Dijon, il fait construire une basilique pour sa sépulture dans un cimetière situé à l'ouest du castrum, c'est cette chapelle qui deviendra au XII e siècle l'une des sept églises paroissiale de Dijon. Au moyen-âge les paroissiens de Saint-Jean sont les plus riches de la ville, ils décident l'édification d'un nouveau sanctuaire. Guy Bernard évêque de Langres la consacre en 1478 et l'érige en collégiale. Lors de la révolution, elle fut dépôt de fourrage, marché et même bureau de pesage pour les porcs.
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Barthélémy Verreau, taillandier de son métier et forgeron est le fils de Michel Verreau vigneron et Claudine Rocher de Velars-sur-Ouche. L'ouche aux portes de Dijon traverse plusieurs petits villages, abreuve de nombreux lavoirs, moulins et taillanderies.
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Il signe le registre des engagés le 5 novembre 1662 pour le compte de jean Millot, taillandier et marchand de Ville-Marie pour une durée d'une année. De 1664 ou au début de 1665, il s'installe à Québec. Il achète de Jacques Cauchon une terre sur la Côte de Beaupré, à Château-Richer. L'année 1665, avec l'arrivée du Régiment Carignan de nombreux artisans, filles du Roy, parmi elle Marthe Quittel, née à Rouen, fille de Denis Quittel et Louise Bénard. Le lendemain de son arrivée, Marthe abjure le calvinisme et le 31 août, elle épouse Barthélémy Verreau devant le notaire Duquet. La cérémonie religieuse eut lieu le 22 septembre à l'église de Château-Richer.
En 1694, un de ses compatriotes, Guy Pilet dit Paris s’installe à Québec et y prend pour épouse (Louise Minet). François Michaud, et Denis Desnoyers également dijonnais de naissance, s’établissent au Canada, le premier à Charlesbourg, où il épouse Marie-Madeleine Pageot en 1747 et le second à Boucherville, où il épouse Françoise Rougeau en 1728.
Cette même paroisse Saint-Jean, place Bossuet, avec son église de style gothique flamboyant reconvertie en théâtre en 1980, ses toits à forte pente et sa voûte lambrissée, a vu le baptême également du maître tanneur Robert Thibault ainsi que celui de François Michaud que l'on surnomma " Dijon " à Charlesbourg où il se maria en 1747 et fut l'ancêtre d'une longue lignée.
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De la paroisse Saint-Philibert, l’emplacement du cimetière installé à l’ouest du castrum de Dijon. dont l'église est aujourd'hui fermée au public, fut lieu de naissance de Jean-Bernard de Reclaine, futur prêtre au Canada, Denis Desnoyers, colon à Boucherville, et Ursin Dutalme dit Chavaudreuil, fils d'un marchand drapier.
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Deux forgerons de la paroisse Notre-Dame ont également quitté Dijon pour le Canada. Ce sont : Luc Imbleau, qui s'en alla travailler aux Forges du Saint-Maurice, et Nicolas Vernet, maître forgeron, habitant à Détroit.
Enfin, pendant les dernières années du régime français au Canada, deux soldats du régiment de Berry, originaires de Dijon, Léon Couteau et Jacques Thibert, ont mené bataille aux côtés du marquis de Montcalm.